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PJ Harvey : Une femme et un homme

Deux ans après le vertigineux White Chalk, PJ Harvey s’offre une jouissive récréation avec son vieux complice John Parish. A quatre mains ils signent A Woman A Man Walked By, un disque défouloir et furibard, qui flirte avec le rock, le folk et l’expérimental

Il faut déjà arriver jusqu’à PJ Harvey. Traverser pendant de longues heures, à bord d’une petite ligne ferroviaire, une campagne anglaise aux faux airs de Normandie. Se laisser gagner par sa monotonie, son rythme indolent, hors du temps. Arriver enfin à East Cocker dans le Somerset, ville où repose la tombe de l’écrivain T.S. Eliot, et s’arrêter dans l’unique pub local qui règne sur le village depuis trois siècles. PJ Harvey a comme souvent donné rendez vous à quelques kilomètres de Yeovil où elle a grandi et où vivent toujours ses parents. Point fixe, point d’ancrage nécessaire à une discographie basée, elle, sur l’inventivité, la prise de risque, la réinvention permante de soi – musicale comme visuelle.

Deux ans après le magistral White Chalk, disque vertigineux, bouleversant, joué au piano et chanté d’une voix blanche, loin des intonations rock empreintes de théâtralité et des riffs de guitares heurtées qui faisaient sa signature, Harvey dissèque A Woman A Man Walked By. Un disque aux antipodes des ambiances folk crayeuses, pluvieuses et éthérées de White Chalk. Dix titres dix ambiances : ce nouvel album fait le pari du protéiforme, de l’entrechoquement stylistique, quand White Chalk, bloc monolithe blanc, impressionnait par sa constance, sa densité. “Quand tu t’es concentrée créativement sur un type bien particulier d’ambiance, je pense qu’il est toujours positif, salutaire de s’essayer à l’inverse. C’est un besoin. Il y a un réel abandon dans cette explosion d’énergie”, explique la longue silhouette brune presque chétive, qui reçoit en jean et pull au coin du feu, en tenant contre elle sa tasse de thé.

A ses côtés, tout de noir vêtu, John Parish, avec qui elle co-signe ce nouvel album. Les deux musiciens se connaissent de longue date. “Polly nous avait bookés pour jouer à son 18e anniversaire, pas très loin de là où nous nous trouvons aujourd’hui, se souvient Parish. Sa voix était déjà incroyable. J’ai eu envie de travailler avec elle. Elle était fan de mon groupe, Automatic Dlamini. Elle venait à nos concerts et me faisait des cassettes de ses maquettes. Quand Rob Ellis est parti, j’ai fait appel à Polly. C’est comme ça que nous avons commencé à travailler ensemble.” Prof à l’école des Beaux Arts de Yeovil, musicien déjà chevronné, Parish joue un rôle central dans l’apprentissage musical de PJ. “C’est vraiment John qui m’a appris à jouer de la guitare. Quand j’ai rejoint son groupe, je ne connaissais que quelques accords de base, explique-t-elle. John a passé des heures à m’apprendre le picking et à développer certaines rythmiques. Mais nous avions un sens du rythme très commun, ça a donc toujours été facile de jouer ensemble.”

Plus de vingt ans plus tard, le dialogue entre eux n’a jamais cessé. Ombre portée, Parish est présent, à la production (il a également produit Eels, Dominique A etc.) ou en tant que musicien, dans toute la discographie de l’Anglaise. Surtout, de même que les paysages et les pierres rondes du sud-ouest la campagne anglaise, il semble constituer pour Harvey une base où reprendre son souffle, un refuge vers lequel se tourner avant de prendre une nouvelle direction artistique. En 1995, après avoir enregistré, To Bring You My Love, qui reste encore aujourd’hui un de ses sommets, Harvey enregistre avec Parish Dance Hall at Louise Point, un disque exigeant et assez expérimental, qui décontenance beaucoup de fans. Douze ans plus tard, les voilà à nouveaux rassemblés par A Woman A Man Walked By, qui sonne comme une récréation, un laboratoire sûrement nécessaire pour négocier l’après White Chalk.

Quand ils travaillent ensemble, Parish signe en effet l’ensemble de la musique. Harvey écrit ensuite les paroles. “J’écris de façon très différente quand je travaille avec John ou quand je travaille seule, bien que sur mes derniers albums, les mots ont eu tendance à précéder la musique. Mais ce sont deux processus très différents. Mélodiquement, la musique de John est plus variée, changeante que la mienne. Ça permet à ma voix de s’aventurer dans des registres inédits.”

Une voix multiple, mutante qui envisage donc chacun des titres de A Woman A Man Walked By comme un nouveau rôle, une performance, fulgurante et saisissante : souveraine sur le premier single au riff énorme et Morriconien, Black Heatred Love, hurlante, dévorante sur le thème titre de l’album qui signe le retour d’une Harvey carnassière, façon Rid Of Me. Ou toute en retenue, éthérée sur Soldier, qui rappelle les ambiances tortueuses et étouffantes de White Chalk.

“J’ai mis beaucoup de temps à accepter et à chanter avec ma “vraie” voix, pas avec ce que je pensais être ma voix. Pendant des années, j’avais plaqué des influences, en grande partie américaines, sur cette voix . Ça m’a pris énormément temps pour assumer que j’étais moi, une femme anglaise qui faisait de la musique. A me l’autoriser aussi. Je crois que je n’ai accepté que j’étais musicienne que très récemment, en 2001 ou 2002.”

Une liberté dont elle n’a pas fini d’user. Son prochain album, sur lequel elle a déjà commencé à travailler devrait faire la part belle à l’expérimentation. “J’ai enregistré quelques titres. Je vais rejouer pas mal de guitare mais j’ai aussi envie d’utiliser de nouveaux instruments, un saxophone et une étonnante harpe à eau.” Le rendez-vous est pris.

Découvrez le nouveau clip du single Black Hearted Love .

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2 Messages de forum

  1. Peu inventif dit :

    L’album est sorti officiellement aujourd’hui. Cela vous permettra de vous faire une idée avant d’aller acheter son album évidemment. Il n’est pas superflu de rappeler que par les temps qui courent, quand on aime un artiste, on achète sa musique...

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