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Obits

On se croirait chez les Yardbirds

L’histoire des Obits est plutôt inhabituelle. Formé en 2006 à New York par un quatuor de vétérans de la scène rock américaine (dont Rick Froberg, l’ex-leader du groupe post-hardcore Hot Snakes), le groupe a passé deux ans à répéter avant de donner le moindre concert, provoquant l’exaspération des fans du chanteur. Les événements se sont soudainement précipités pour les Obits lorsqu’un enregistrement pirate de leur toute première performance publique a commencé à circuler sur le net. Contre toute attente, le label Sub Pop a pris le risque de signer le groupe sur la foi de ce simple bootleg. Bien lui en a pris, car “I Blame You” est un grand disque. De leur propre aveu, les Obits — pour obituaries, soit nécrologies — ne cherchent pas l’innovation. Ils puisent la source de leur musique dans le rock anglais des années soixante et le post-punk anguleux de Wire. Le morceau d’ouverture “Widow Of My Dreams” frappe dès la première écoute : autour d’un riff jumeau du “Lucifer Sam” de Pink Floyd, le groupe déploie son groove avec une aisance stupéfiante et se lance à mi-morceau dans des dérapages psychédéliques comme on faisait en 1967 à l’UFO Club. Les claques s’enchaînent, avec la teigneuse “Pine On” dans laquelle le chant animal de Froberg évoque Gaz Coombes de Supergrass. Dans ce morceau, comme dans la scie “Fake Kinkade”, les Obits démontrent un savoir-faire magistral en matière de rock’n’roll direct, un sens du riff qui fait mouche. Ce qui frappe le plus chez eux, c’est leur solide assise rythmique qui porte les morceaux et permet aux guitaristes Rick Froberg et Sohrab Habibion de se livrer à des duels de guitare fascinants, chacun s’escrimant dans des solos déstructurés d’un côté de la stéréo. Leurs morceaux n’en sont que plus complexes et s’achèvent souvent dans des envolées hypnotiques. Rien de cela ne serait possible si le groupe n’était doté d’une arme secrète en la personne de Greg Simpson, bassiste de génie dont les lignes mélodiques illuminent l’album. De l’intro tourbillonnante de “Two-Headed Coin” — on se croirait chez les Yardbirds de “Roger The Engineer” — au groove élastique de “Talking To The Dog”, en passant par le bourdonnement de “Lillies In The Street”, la pulsation générée par la basse est la clef de voute du son du groupe. Défenseurs de la cause rock depuis une quinzaine d’années, les membres des Obits n’ont rien à prouver au monde du rock, c’est sans doute pour cela que leur album sonne si détaché, si maîtrisé. Sans crainte, ils s’aventurent dans des territoires kraut (“SUD”), tentent une ballade taillée pour les radios campus (“Back And Forth”), et se permettent même de reprendre un classique blues comme “Milk Cow Blues” pour en faire exposer la structure et le transformer en terrifiante épopée post-punk. En période de crise, voir une institution comme Sub Pop signer un combo tel que ces menaçants Obits est salutaire. 2009 tient son premier grand album de rock’n’roll. Eric Delsart

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