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Sur la piste de Madonna

Pop. Pour son onzième album, la chanteuse replonge dans les années disco avec douze titres enchaînés en un immense remix.

Soumis au rouleau compresseur promotionnel, le fan transi comme l’amateur occasionnel sait sûrement, à propos du dernier album de Madonna, Confessions on a Dance Floor, sorti lundi : qu’il s’agit d’un album dansant ; que le single Hung Up est bâti sur un échantillonnage de Gimme Gimme Gimme d’Abba ; que Mrs Ritchie, son nom d’épouse, a eu quelques ennuis avec des rabbins courroucés de ce que la pop star affiliée « kabbaliste » utilise le nom d’un mystique juif du XVIe siècle pour l’une de ses chansons, Isaac. Détails et perspectives, en quatre tableaux, d’une opération musicalo-marketing plutôt exemplaire.

L’envie. Cet album, le onzième en studio, Madonna l’a avoué dans une longue et franche interview au magazine gay britannique Attitude, est né « par défaut ». Elle travaillait depuis plusieurs années à deux projets de comédies musicales (dont un avec Luc Besson) quand, en panne d’inspiration, elle décida de partir en tournée sous l’oeil des caméras ­ à fin de filmage. L’humeur disco est arrivée lors des répétitions, du plaisir « de ne plus subir de pression ».

Avec le producteur Stuart Price (alias Jacques Lu Cont, du groupe anglais les Rythmes Digitales), l’ambition s’est peu à peu dessinée : « Fabriquer l’ultime disque de pop dansante. » Pour ça, les deux larrons ont réécouté des tonnes de Giorgio Moroder, Cerrone et Abba, donc sollicité une armada de jeunes bidouilleurs londoniens, rappelé sur deux titres Mirwais, l’élu français de la livraison précédente, et envoyé à Stockholm un émissaire avec Hung Up sous le bras pour « supplier Benny et Björn », d’Abba, de sampler leur musique. A coup sûr convaincus par le gros chèque, ils ont dit oui.

Le look. On croyait assister au retour du rock ? Madonna n’en a cure. Tournant le dos à la tendance, ainsi qu’à l’engagement « politico-guévariste » de son dernier disque American Life (2003), Madonna Louise Ciccone, 47 ans depuis le 16 août, revient en panoplie eighties. Un justaucorps très Olivia Newton John, une coupe de cheveux que n’auraient reniée ni Sue Ellen (Dallas) ni Farah Fawcett, et les poses lascives de routine sur le livret de l’album. On n’y comprend plus rien : la dernière fois qu’on l’avait vue, en « une » du Vogue américain d’août, elle posait en tailleur prince-de-galles avec mari et enfants (Lourdes, 9 ans, et Rocco, 5 ans), dans son manoir de la campagne britannique. Une vraie châtelaine pétrie de kabbale, qui avouait adorer chasser, pêcher, passer des soirées au coin du feu ­ pas descendre au premier club du coin déguisée en mamie disco.

La promotion. Tout a commencé en juillet, explique le magazine américain Billboard. En parallèle des premières écoutes pour programmateurs radio et DJ se conclut une série d’accords de « co-branding », avec MTV, Motorola, iTunes et des opérateurs de téléphonie. Résultat : le single Hung Up fut entendu pour la première fois en septembre, en bande sonore d’une publicité pour le téléphone Rokr, signé Motorola et Apple. Juste après, la chanson était téléchargeable en exclusivité sur des portails comme Orange, notamment en sonnerie de portable. La honte ? « Je suis une femme d’affaires dit-elle à Billboard. L’industrie musicale a changé. Il y a énormément de compétition, le marché est engorgé par d’innombrables sorties d’albums. Pourquoi ne pas joindre ses forces à d’autres marques ? Ce serait idiot de ne pas le faire. » Le service après-vente fut moins empressé, notamment en France. Une apparition rocambolesque à la StarAc’ la semaine dernière (négociations à n’en plus finir ; à l’arrivée pas grand-chose, le tout enregistré) et un saut caricatural au VIP Room, boîte des Champs-Elysées réquisitionnée par NRJ, où des centaines de « privilégiés » ont juste aperçu des mèches péroxydées derrière 256 videurs désoeuvrés.

Le contenu. Malgré tout, comment résister à ces douze chansons enchaînées comme un immense remix, avec ce tempo pressé, ces synthés années 80, cette énorme ligne de basse ? Hormis la faute de goût Isaac (au-delà du casse-pieds), le reste, dont Let it Will be, How High, Forbidden Love ou Sorry (probable deuxième single), sont des bijoux populaires et hédonistes, qui rappellent avec panache à toutes ces freluquettes (Kylie, Gwen Stefani, Britney, Goldfrapp...) qui est la reine, sans hésiter. Au détour d’une chanson, on entend même cette digression sur le succès, très Bret Easton Ellis : « C’est drôle, j’ai passé toute ma vie à vouloir qu’on parle de moi/Cela en valait-il la peine ? »

A écouter : Confessions on a Dance Floor